Sommaire
Présentation
- Stéphane Despatie, L’espace d’écrire 5
Des textes de
- Michael Delisle, Veines 7
- Nicole Raziya Fong 13
- Kaie Kellough 19
- Chus Pato 23
- Dominique Gaucher, Gravir 35
- Dolores Castro, Héritage d’ombre 41
- Sara Ventroni, petit bestiaire 47
- Jean-Philippe Bergeron, Montréal-Nord Macerata 59
Dialogue
- Bas-Saint-Laurent poétique
Dossier préparé par Annie Landreville avec des poèmes de Marise Belletête, Anthony Lacroix, Mathieu Arsenault, François Rioux, Julie Tremblay, Louise Beauchamp, Zéa Beaulieu-April, Laurence Veilleux, Joanie Lemieux, Aimée Lévesque et Maxime Catellier 71
L’espace d’écrire
moins les images, que cet état
Paul-Marie Lapointe
à faire sa cour de scrap sur le limbe or d’une feuille de papier
André Gervais
Et toi juste en face après la nuit commise.
Paul Chanel Malenfant
Il n’y eut pas d’autres indices sinon l’hiver, seul l’hiver.
José Javier Villarreal
Lire une revue de création, c’est faire le pari d’ouvrir de multiples portes sur différents mondes, c’est regarder par toutes sortes de fenêtres, ici un cœur qui bat, et là un autre qui meurt, alors que sous un angle différent, on voit un quotidien qui s’effrite ou un rêve qui prend toute la place. Aucun poète n’offre la même amorce, et aucun lecteur n’entre dans un poème par le même chemin. Mais dans une revue, c’est à la rencontre de plusieurs conventions distinctes que nous sommes conviés. À moins d’avoir une capacité d’abandon exceptionnelle, le lecteur doit travailler autant qu’il reçoit. Avec le numéro 96, d’entrée de jeu, les poètes Michael Delisle, Nicole Raziya Fong et Kaie Kellough nous invitent à des propositions formelles précises, où le « petit », le singulier ou le personnel nous happent, nous orientent comme si nous passions par une blessure, une entaille ; un passage où le pouls s’entend aussi clairement que l’écho des mots. Ensuite, la poète galicienne Chus Pato opère une sorte de transition pour nous amener vers quelque chose de large et de métaphysique. Elle nous accompagne, même dans les recoins sombres de certaines pièces. La notion de passage y est forte, tout comme chez Dominique Gaucher, qui aborde également le mensonge, un sujet aussi rare qu’inévitablement omniprésent en poésie. Suit Dolores Castro, qui nous ramène au corps, à ses limites, à ses permissions. Sara Ventroni, quant à elle, parvient à déjouer tous les clichés en présentant un bestiaire frais, neuf, aussi incisif qu’intrigant. L’aspect étonnamment concret de son allégorie met habilement la table pour les textes de Jean-Philippe Bergeron, dernier poète de la section régulière, qui, lui, nous convie à un tableau hyperréaliste illustrant un hallucinant carrefour giratoire de choix, de questions et de constats. Avec lui, comme avec les autres auteurs du numéro, nous sommes dans la vie, il n’y a aucun doute.
Comme le disait Alain Bernard Marchand dans Jours inouïs : « Je ramasse le paysage et l’enfouis dans ma poche. » Ce vers me hante quand je pense au travail d’Annie Landreville, qui a su choisir et rassembler avec brio des auteurs de la région du Bas-Saint-Laurent. Intitulé « Bas-Saint-Laurent poétique », ce dossier regroupe Marise Belletête, Anthony Lacroix, Mathieu Arsenault, François Rioux, Julie Tremblay, Louise Beauchamp, Zéa Beaulieu-April, Laurence Veilleux, Joanie Lemieux, Aimée Lévesque et Maxime Catellier. Tous ces poètes, originaires de la région ou nouvellement implantés, ont su transcender le décor, magnifique s’il en est, pour donner à lire des textes uniques et superbes. Ce n’est pas parce qu’on vit devant le grandiose qu’on doit en faire état, mais ce grandiose nous construit, qu’on le veuille ou non, et le grandiose, ce n’est pas une carte postale. C’est quelque chose qui nous habite et nous dépasse, c’est quelque chose qu’on veut parfois habiter ou encore qu’on veut, parfois, dépasser. C’est un espace, c’est un état.
Je souhaite, en terminant, souligner que ce numéro d’Exit a été grandement enrichi grâce à la précieuse collaboration d’Erín Moure, Ana Cristina Zúñiga, Antonella D’Agostino et Francis Catalano, qui ont respectivement traduit du galicien, de l’espagnol et de l’italien les textes d’auteurs dont on a rarement la chance de lire les œuvres dans des revues francophones.
Bonne lecture !
Stéphane Despatie