Sommaire

Présentation

  • Stéphane Despatie, La marge, la vérité, la sortie d’urgence 3

Des textes de

  • Nancy R. Lange, Chambre et fragments 5
  • Marie-Claire Bancquart, Le corps, comme une terre ouverte 15
  • François Charron, Le cœur innombrable (extrait) 25

Dialogue

  • Ruelles
    Dossier préparé par André Carpentier
    Des textes de : José Acquelin, Marcel Labine, Benoit Jutras, Denise Brassard, Laure Morali, Jean-Sébastien Huot, Serge Patrice Thibodeau, Jean Morisset, Hector Ruiz, Marie-Ève Desrochers-Hogue, Francis Catalano, André Carpentier, Renée Gagnon et Dyane Raymond
    41

 

La marge, la vérité, la sortie d’urgence

 

dans la ruelle Saint-Christophe
dans la ruelle vérité
est-ce la vie qui fait claquer
son grand pas d’ombre et de démente
Paul Chamberland

Because fingers paint FUCK in wet cement.
Endre Farkas

 

De tous temps, les ruelles ont fasciné. Si dans certaines villes d’Europe, Rome ou Namur entre autres, les gens les investissent au quotidien, au point d’en faire l’entrée principale de leur maison, d’y ouvrir des boutiques, d’y avancer les tables des restaurants ou même d’y installer des arrêts d’autobus, à Montréal, outre le fait de servir de sortie de secours aux jardins et cours intérieurs ou d’entrée pour les stationnements et les garages, jadis le terrain de jeux des enfants et le passage pour les marchands de fruits, d’huile ou de charbon, les ruelles sont devenues contournables. Elles forment la marge, ou encore la lisière entre deux univers. Et comme pour toutes marges, certains décident d’y écrire. Comme si les paroles y étaient plus libres, comme si, en marchant sur la bordure qui sépare des mondes, une confrontation avec le vertige procurerait une jouissance ou des retrouvailles avec l’urgence. Exit a donc convié à André Carpentier, romancier, essayiste, professeur, et de plus, quelqu’un qui aime déambuler dans les ruelles et qui s’intéresse depuis longtemps à ces avenues parallèles, le soin de réunir quatorze écrivains autour du thème des ruelles. On retrouvera donc dans ce numéro des poèmes de José Acquelin, Marcel Labine, Benoit Jutras, Denise Brassard, Laure Morali, Jean­-Sébastien Huot, Serge­-Patrice Thibodeau, Jean Morisset, Hector Ruiz, Marie­-Ève Desrochers-Hogue, Francis Catalano, André Carpentier, Renée Gagnon et Dyane Raymond. Alors, « par un soir de brume, à l’embouchure d’une ruelle », près de la « tôle grise défoncée à gauche », « des carcasses d’autos mises aux blocs », où l’on « trousse les façades, les enclaves d’intimité », « sous un toit d’ardoise, entre deux lits » où « un matelas attend de prendre la pluie », où « une boîte renversée sert de table », et qu’il « n’y manque que toi dessus », on entend jusque « dans l’escalier du hangar », « malgré l’asphalte et les lampadaires », que « les poulies chantent », on voit que même « pour protéger le dedans contre l’intrusion du dehors », « les clôtures ne sont jamais que deux paupières s’abaissant sur les lieux de l’intime ». Et parce que « nous sommes tous guettés par la rouille », on « s’avance sur les eaux noires » pour « y retrouver la même ruelle de glace, la même ruelle de rien où nous rêvions d’avoir une autre vie », car c’est un « ultime espace de liberté », « c’est notre bord de mer à nous la ruelle ».

Précédant le dossier, vous pourrez lire Chambre et fragments de Nancy R. Lange, Le corps comme une terre ouverte de Marie­-Claire Bancquart et Le cœur innombrable de François Charron. Il s’agit de trois longues suites de poèmes où l’on sent les limites du corps, sa géographie, sa capacité à affronter, à surmonter comme à se donner. Et sur la peau, comme sur le cœur et les autres tissus complexes qui enveloppent les différents organes, des mots prennent forme, accouchent. Les mots, qui doivent aussi passer par la tête, se retrouvent donc au beau milieu d’un paradoxe : celui d’être autant dans la distance nécessaire que collés directement sur le sujet. C’est peut-être ça, la poésie?

Bonne lecture !
Stéphane Despatie