Couverture Exit #113

Sommaire

Introduction

  • Stéphane Despatie, L’écorce des mots 4

Des textes de

  • Sandrine Donkers, Vaste-moi 6
  • Nicholas Giguère, La vie vaut la peine
    d’être vécue et autres pensées pour fossiles
    9
  • Fernando Carrera, Cinq poèmes 16
  • Michel Pleau, Sur la mort d’une corneille 27

Dialogue

Accompagnement

  • Dossier préparé par Gérald Gaudet 35

Avec textes et entretiens

  • Fernand Ouellette 37
  • Isabelle Dumais 52
  • Claude Paradis 81

L’écorce des mots

Et de la falaise où l’on est
Notre regard est sur la mer

Hector de Saint-Denys Garneau

La folie guette et attire
Irrésistiblement,
Tout l’élan vital se fige
Et tous les sens s’émoussent.

Novalis

Une écriture qui résiste
à l’intempérie totale.
Une écriture qui puisse se lire
jusque dans la mort.
Roberto Juarroz

 

Sandrine Donkers, avec Vaste-moi, démarre le numéro au moyen de mots qui ouvrent, de mots qui cognent aussi, de mots qui marquent et inscrivent le présent dans les éclats d’un rétroviseur donnant sur un passé suffisamment récent pour qu’essayer de l’oublier demande encore un effort. Suit Nicholas Giguère, avec La vie vaut la peine d’être vécue et autres pensées pour fossiles, une suite puissante où « la réalité / s’échauffe pour de / nouvelles tragédies / immémoriales » et qui, par ricochet, fait réfléchir à l’effacement qui peut advenir tant par le partage que par l’explosion, par la rouille que par « l’imaginaire de plage ». Grâce à une traduction de Françoise Roy, nous pouvons lire Cinq poèmes de Fernando Carrera, qui nous entraînent dans un univers foisonnant, chargé, qui livre « tout le pouvoir de la promesse ». Et c’est à Michel Pleau que revient le soin de clore la section régulière du numéro avec une suite intitulée Sur la mort d’une corneille. De bons poèmes où il faut « laver le regard / comme un linge sale » pour voir les choses autrement, voir le beau et les aspérités, et même si « la nuit est une faute d’orthographe », tenter d’y plonger et d’y voir clair.

Sous l’écorce il y a la chair, et dans la chair, il y a des tissus, des fibres tressées, des muscles entrelacés, des muscles entraînés, d’autres délaissés ou en repos. « On parlera de dépouillement, de silence, on se tourne vers l’autre, avec la pudeur du très peu parfois, avec l’espoir du moment de grâce toujours », écrit Gérald Gaudet dans un magnifique dossier qu’il a préparé et qui s’intitule simplement Accompagnement. On y retrouve les mots et la pensée des poètes Fernand Ouellette, Isabelle Dumais et Claude Paradis avec qui Gérald s’entretient. « Chez ces trois poètes, dit-il, le geste d’écrire et de lire se confond avec le geste d’aimer. » Trois poètes, trois générations, trois manières différentes d’entrer dans le poème, mais trois créateurs qui savent articuler leur démarche. Des poètes habités par des doutes, certes, mais qui sont capables de prendre appui sur ceux-ci, des poètes qui regardent loin.

Que ce soit en lisant Grandbois ou Char, en s’abandonnant à un tableau ou en écoutant Edgar Varèse ou un air d’Arvo Pärt, la création prend des chemins de traverse comme autant de boulevards pour arriver à quelque chose d’abouti, et tous les poètes du numéro nous ont ouvert la porte de leur atelier.

Bonne lecture !

Stéphane Despatie