Sommaire

Introduction

  • Stéphane Despatie, Sauf dans le silence 4

Des textes de

  • Rachel Gamache, Entrelacs – Les pages 6
  • Marco Geoffroy, Terre humaine 14
  • Dominique Sorrente, Marseille, terrain vague et autres poèmes 21
  • John Montague, Suite sans titre 36

Dialogue

  • Génération X : persistance
  • Dossier préparé par Stéphane Despatie
  • Avec des textes de Martine Audet, Mario Cholette, Michel Pleau, Anick Arsenault, Bertrand Laverdure, Jean-Sébastien Huot, Corinne Chevarier49

Sauf dans le silence

plus rien à déserter
sinon ce lieu
caché sous la peau
Isabelle Forest

et le bruit que je fais avec les autres
pour me distraire de moi

Isabelle Miron

Dans ce nouveau numéro, vous pourrez lire « Entrelacs – Les pages » de Rachel Gamache qui, avec cette suite de poèmes, poursuit l’élaboration d’un projet dont elle avait déjà publié quelques textes dans Exit, suivi de « Terre humaine » de Marco Geoffroy, une suite qui nous offre l’opportunité de lire une poésie proche de la nature, celle d’un technicien forestier. Suit « Marseille, terrain vague et autres poèmes » de Dominique Sorrente : une suite de poèmes qui présente des errances, des voyages et de fines observations arrivant sur la pointe des pieds, parfois à la faveur de banales situations, parfois à cause de circonstances moins ordinaires. Nous terminons la section régulière du numéro avec John Montague, grâce à une traduction de Jean-Philippe Gagnon. Poète irlandais né à Brooklyn, décédé en 2016, Montague fut proche de Samuel Beckett et de Claude Esteban, et s’avère un des poètes anglophones parmi les plus connus. Nous avons la chance unique d’accueillir ses textes dans le présent numéro d’Exit.

Puis, dans un dossier intitulé « Génération X : persistance », préparé par moi-même, vous trouverez des textes de quelques représentants des X dits de la période de « l’hiver démographique », des premiers X, donc, ceux et celles qui ont esquissé les traits reconnaissables de cette génération, qui ont campé son identité, consciemment ou non. Si les poètes publiés ici n’ont pas eux-mêmes demandé à porter un drapeau ou à afficher quoi que ce soit se rapportant à leur génération, nous avons fait appel à ces poètes, car ce sont des auteurs et autrices toujours actifs, des gens qui sont des modèles de persistance, des gens qui réussissent haut la main dans le genre de la poésie. Par leurs publications, leur implication, leur enseignement ou leur présence, tous ces poètes se sont transmis et se transmettent toujours beaucoup au sein de leur communauté et du paysage littéraire. Ces poètes ont su contribuer substantiellement au corpus québécois.

Martine Audet nous présente « L’épreuve du rêve », un moment important où on va à la rencontre de la poète qui se retrouve elle-même, se rassemble, reçoit et offre des mots avec humilité, habilité et beaucoup de force. Ensuite, Mario Cholette, un des fondateurs de Gaz Moutarde, nous donne à lire une sorte de bilan personnel, sinon un constat de l’endroit où il se trouve maintenant. Les textes de Cholette témoignent aussi, d’une certaine manière, des différentes étapes de l’évolution qu’ont connue les X tant dans la langue que dans le contenu de leur poésie, ce dont ils doivent prendre acte aujourd’hui. Michel Pleau, avec « Sur ma galerie », nous transporte dans un univers intimiste, solitaire, où la fragilité de tout se lit à chaque instant. Il écrit « je dis cassure pour dire oiseau » et l’on bascule dans l’idée même qui s’expose dans le si beau titre de Jean-Marc Desgent, Ce que je suis devant personne, et c’est beau. Pleau reçoit des générations précédentes et donne aux générations qui suivent. Typiquement X, Anick Arsenault, qui publie « Fin de saison au camping de la rivière », propose une poésie narrative, style très utilisé par les X, qui touche autant au quotidien qu’à la nature, ainsi qu’à la fragilité et à la beauté des liens. On poursuit avec « Opéra de la déconnexion » de Bertrand Laverdure, écrivain polygraphe ayant été critique et éditeur, et qui demeure toujours à l’affût des moindres tendances, jouant avec elles, les initiant parfois. « Je reste heurté par la fin de la télévision », écrit-il, nous rappelant par le fait même que les X ont connu le téléphone à cadran, et qu’ils doivent continuer à s’adapter constamment aux nouvelles technologies pour gagner leur vie, la retraite n’étant pas encore envisageable pour la majorité d’entre eux. Jean-Sébastien Huot, lui aussi l’un des fondateurs de Gaz Moutarde, enseignant à l’instar de Cholette, nous donne « Griffonné sur le ventre », des poèmes où l’on suit de près une femme qui offre son intimité : touchant et dur. Avec « Octobre décapité », Corinne Chevarier, membre de la revue Exit et éditrice, donne aussi dans le touchant et dur à la fois : « Silence / tout est cassé », écrit-elle. Puissants, ses poèmes effleurent l’explosion qu’on ne voit pas toujours venir, mais que l’on sent, que l’on ressent. N’oublions pas que les X sont la génération du no future, qu’ils ont souvent dû doucher leurs espoirs : cela assombrit parfois leur regard, mais ne l’enferme pas dans l’obscurité. Ils persistent.

Bonne lecture !

Stéphane Despatie