Sommaire
Présentation
- Stéphane Despatie, Être de celles-là 3
Des textes de
- Andrea Moorhead 5
- Louis-Martin Savard, Le ruban jaune 11
- Marie-Hélène Montpetit 17
- Madeleine Monette, Élan vital 25
- Valerio Magrelli, Nouvelles Égyptes 33
Dialogue
- Jeunes femmes : un carrefour
Dossier préparé par Stéphane Despatie
avec des textes de : Gabrielle Giasson-Dulude, Mélisa Gagné, Mylène Durand, Ariane Audet. Rosalie Lessard, Julia Musté, Annick Chauvette 43
Être de celles-là
Je n’avais encore rien écrit
Ne sachant dans quelle langue scander
Carole David
C’est qu’un livre qu’on n’a pas encore commencé
et qu’on laisse courir en soi de sa vie sauvage
est ce qui peut vous arriver de mieux
parce qu’il est en mouvement…
Victor-Lévy Beaulieu
c’est comme poursuivre une œuvre dans ton ventre.
Denis Vanier
Nous ne pourrons jamais mesurer précisément l’impact des textes qui précèdent ceux que nous tentons d’écrire dans le présent. Parmi ces textes qui nous précèdent, il y a ceux des autres et il y a les nôtres : ceux qu’on a écrits, ceux qu’on a publiés, ceux qu’on a autrefois projeté d’écrire, ceux qu’on a refusé d’écrire comme ceux, trop nombreux, qu’on a abandonnés. Il y a aussi les autres qu’on a échappés, dans une revue et parfois dans un livre, et qui nous hantent comme un repoussoir fécond. Et tous ces textes contribuent à la modernité des œuvres qui s’écrivent tant et aussi longtemps que le poète refuse de s’arrêter dans sa propre lancée. Car la trajectoire de chacun, forcément singulière (à moins de chercher la neutralité), nous façonne et nous inscrit au pluriel plutôt que de nous effacer derrière un groupe.
L’histoire littéraire, pour plusieurs raisons, s’est surtout articulée autour de voix masculines. Mais ce n’est pas parce que les voix féminines n’ont pas reçu la même masse critique et, par conséquent, n’ont pu connaître le même chemin qu’elles n’ont pas influencé tous et chacun. Bien qu’on ne puisse mesurer l’impact de l’ensemble du corpus écrit par des femmes, surtout si, à différentes époques, ce corpus était à peine rendu public, on peut toutefois croire que ce bouillonnement d’écriture, qui a toujours existé, a fini ou finira assurément par se rendre jusqu’à nous. C’est pourquoi, entre autres, qu’il faut se dire de celles-là autant que de ceux-là.
« Il y a quelque chose dans la poésie qui est plus important que le sens, disait Marina Tsvetaeva, et c’est la résonance. » C’est dans cette résonance que nous nous découvrons. Autant par la résonance entre nous, que celle qui, dans chaque texte, fait écho à la fois à l’intellect et à la fois à ce qui vient du ventre. C’est sur les rives accidentées que se révèle le poète. Lorsqu’il trébuche, on décèle dans le mouvement, la tentative d’échapper à la chute. Et là, on voit ce don pour naviguer à la fois dans l’urgence et la technique. On voit l’humain qui s’appuie sur le verbe.
Les poètes de ce numéro nous ont surpris par cette capacité à allier instinctivement et délibérément les qualités qui font qu’un texte peut être significatif sur le temps, en ce sens qu’il y collabore par une avancée personnelle, qui, indéniablement, rayonne. Ces auteurs, tant par les risques qu’ils prennent que par leurs quêtes formelles, nous ont beaucoup plus. Pour la première partie de ce numéro, vous lirez donc des textes d’Andrea Moorhead, de Louis- Martin Savard, de Marie-Hélène Montpetit, de Madeleine Monette et de Valerio Magrelli. Dans la section Dialogue, intitulée Jeunes femmes: un carrefour, vous pourrez découvrir ou retrouver les voix plurielles de Gabrielle Giasson- Dulude, de Mélisa Gagné, de Mylène Durand, d’Ariane Audet, de Rosalie Lessard, de Julia Musté et d’Annick Chauvette. Avec les auteures de cette section, nous voulons donner une idée, évidemment, d’une parcelle de ce qui se fait actuellement chez les jeunes femmes, et surtout, nous espérons vous donner envie d’être attentif à ce qui se fait chez les jeunes et à ce qui se fait du côté des femmes.
Bonne lecture !
Stéphane Despatie