Sommaire

Présentation

  • Stéphane Despatie, L’intimité à la une 3

Des textes de

  • Daniel Leblanc-Poirier 5
  • July Giguère 19
  • Francis Catalano, Cactus labyrinthus 27
  • Corinne Chevarier, Feuille hématome 39

Dialogue

  • Sculptures sur prose
    Dossier préparé par Stéphane Despatie
    Des poèmes de : Herménégilde Chiasson, Henri Chassé, Monique Deland, Robbert Fortin, Serge Lamothe, Christiane Duchesne, Corinne Chevarier, Stéphane Despatie, Stéphane D’Amour
    57
  • IVY, Slameurs, poètes et poésie89

 

L’intimité à la une

 

Foolhearted mindreader,
help us see how
the heart begs

Yusef Komunyakaa

 

Si tous les poètes rassemblés dans ce numéro proposent des univers poétiques et langagiers très différents, chacun, à sa manière, parvient à dire une vérité qui traverse la banalité du quotidien et son lot de petites ou grandes douleurs comme ses pointes de bonheur. « Your story / is a crippled animal / dragging a steel trap / across desert sand », nous dit le poète afro­américain Yusef Komunyakaa, comme en écho aux multiples résonances des mots des auteurs qui composent la première partie du numéro. Trois des quatre poètes de cette partie semblent surtout travailler avec cette matière aussi universelle qu’il est paradoxal de le dire : l’intimité. D’abord Daniel Leblanc­Poirier, dont l’équipe d’Exit ne soupçonnait pas l’existence avant de recevoir ces textes, mais qui a depuis publié un livre, nous a agréablement surpris par son regard délinquant sur ce qui compose son espace intérieur. Empruntant un champ lexical très commun au Québec, mais qui le place dans une position plus isolée, plus intime donc, lorsqu’on porte son texte à l’échelle du réseau de la francophonie, Daniel Leblanc­Poirier se démène avec la matière, qu’il nous relance au visage, comme par la faille. Si, pour lui, l’intimité doit peut­-être se frayer un chemin vers l’extérieur, non pour la fuir mais pour qu’on la regarde ensemble, il en va tout autrement pour July Giguère qui, elle, dépeint plutôt un espace privé de manière clinique (sur le plan de la description : « Il se dit qu’il faudrait prendre l’animal et le plonger dans la piscine, tenir la tête sous l’eau quelques minutes », écrit­-elle), mais avec un regard pourvu d’émotion, capable de distance et capable aussi de projection, d’analyse instantanée : « Ses yeux ne parlent pas des étendues de forêts mauves, des steppes de brumes bleutées qu’il lui arrive de traverser, sans moi (ni personne) : quelqu’un qui marche sous des averses de pluies noires, d’impossible à rejoindre. » Notons également que les deux auteurs sont nés respectivement en 1984 et en 1977, et qu’ils correspondent donc à une génération dite montante dont il nous apparaît important de présenter le travail. Nous poursuivons avec Francis Catalano, collaborateur de longue date de la revue et membre de notre comité de lecture. Celui-­ci renoue en quelque sorte avec son travail amorcé par Index (Trait d’union 2001, collection Filigrane) qui, entre autres choses, faisait allusion à « L’Inde raturée, à l’Amérique trouvée par défaut ». Ici, il nous parle un peu de la même route et des Premières nations, et c’est en abordant ce que l’on ne dit habituellement pas, en empruntant un langage plutôt marginal du lexique de la poésie, qu’il révèle à la fois l’intimité du territoire et sa propre part d’intimité. Enfin, si pour Corinne Chevarier « l’écriture reconstruit le geste », c’est qu’elle nous invite directement à visiter des terrains fragiles, des frontières encore mouvantes, qui ne demandent qu’à être nommés. En poursuivant sa recherche entamée dans Les recoins inquiets du corps (Herbes rouges, 2004) autour de l’intime, elle présente d’autres pièces de son appartement. « C’était un paysage à chaque fois différent », écrit Annie Ernaux à propos des « vêtements emmêlés, jetés par terre n’importe où la veille au soir en faisant l’amour » (L’usage de la photo, Gallimard 2005). C’est un peu à ce genre d’exploration que Corinne Chevarier s’exerce, celle qui fouille l’intérieur et voit l’évolution dans l’apparente immobilité du quotidien.

Pour la section Dialogue, Exit s’est ralliée à l’opération « Sculpture sur prose », initiée par Jacques Rancourt et la revue la Traductière (Paris), qui imposait aux poètes de sculpter à même des textes de prose pour dessiner un poème. Et pour terminer, un texte de réflexion de Ivy sur le slam, afin de nous mettre en appétit pour un vaste dossier qu’il prépare pour Exit.

Bonne lecture !

Stéphane Despatie